Le lendemain
matin, Stu se rendait à la centrale électrique lorsqu’il rencontra Susan et Dayna qui descendaient le boulevard Canyon en moto. Il leur fit signe et elles s’arrêtèrent. Dayna n’avait jamais été aussi jolie, pensa-t-il. Elle avait noué ses cheveux en arrière avec un foulard de soie vert vif. Un long manteau de cuir qu’elle portait ouvert laissait voir son jeans et une chemise de batiste. Un sac de couchage était attaché sur son porte-bagages.
– Stuart ! cria-t-elle en lui faisant un grand signe de la main, toute souriante.
Lesbienne ? se dit-il, pas du tout convaincu.
– On m’a dit que tu partais faire un petit voyage.
– C’est exactement ça. Et tu ne m’as pas vue.
– Non, répondit Stu. Jamais.
Une cigarette ?
Dayna prit une Marlboro et approcha ses deux mains de l’allumette qu’il lui tendait.
– Fais attention.
– Tu peux compter sur moi.
– Et reviens.
– J’espère…
Ils se regardèrent dans la lumière crue de ce matin d’arrière-saison.
– Tu t’occuperas bien de Frannie, hein ?
– Compte sur moi.
– Et n’y va pas trop fort quand tu seras shérif.
– Pas de danger.
Elle jeta sa cigarette.
– On y va, Sue ?
Susan lui fit un signe de tête et posa le pied sur la pédale en s’efforçant de sourire.
– Dayna ?
Elle se retourna et Stu l’embrassa doucement sur la bouche.
– Bonne chance.
– Tu sais bien que tu dois m’embrasser deux fois pour me souhaiter bonne chance, répondit-elle en souriant. Tu avais oublié ?
Il l’embrassa une fois encore, plus lentement, plus généreusement. Elle, lesbienne ? Il se posait des questions.
– Frannie a bien de la chance, dit Dayna. Tu peux le lui dire de ma part.
Tout sourires, ne sachant plus quoi dire, Stu recula. Deux rues plus loin, un des camions orange du comité des inhumations traversa le carrefour comme un mauvais présage. Le charme était rompu.
– On y va, dit Dayna. Haut les cœurs !
Elles s’en allèrent et Stu, debout sur le trottoir, les regarda s’éloigner.